
Didier est né le 26 mars 1952 à Villecresnes en région Parisienne. Issu d’une famille plutôt aisée d’immigrants italiens, Didier est plongé dans le bain de la compétition automobile par son cousin et demi-frère José Dolhem, qui commençait à la fin des années 1960 à acquérir une certaine notoriété. C’est l’époque pour Didier des chevauchées à moto dans Paris en compagnie de Jean-Pierre Jarier (dont il sera l’équipier chez Tyrrell en 1979). Contre l’avis de ses parents, qui le voyaient plutôt reprendre la tête des affaires familiales, Didier s’inscrit à l’école de pilotage Winfield sur le circuit Paul Ricard, au Castellet.
En 1972, à tout juste 20 ans, il remporte le volant Elf, et la saison de formule Renault pour 1973 offerte au vainqueur. Lors de cette 1ère année il termine 6ème du championnat, avec deux 2èmes places pour meilleurs résultats. Après cette année d’apprentissage, Pironi remporte le titre national en 1974 après 7 succès. Fort logiquement il passe l’année suivante à l’échelon européen et termine à la 3ème placé du championnat, remporté par son équipier René Arnoux. Pironi remporte néanmoins 3 victoires, dont le prestigieux grand prix de Monaco, en lever de rideau du grand prix de formule 1. 1976 verra Pironi remporter le championnat européen de formule Renault avec un total impressionnant de 12 victoires en 17 courses. Fort de ce triomphe Pironi est engagé dans la prestigieuse écurie Martini de formule 2, où il retrouvera comme équipier René Arnoux. Il terminera 3ème de ce championnat (gagné par Arnoux) en remportant la manche d’Estoril devant des pilotes aux noms bientôt prestigieux : Bruno Giacomelli, Eddie Cheever ou Keke Rosberg. Parallèlement Didier dispute en mai 1977 le prestigieux grand prix de Monaco de formule 3, où les patrons des écuries de F1 viennent repérer les futurs talents. Qualifié en 2ème position derrière Piercarlo Ghinzani, Pironi remporte ce meeting, devançant de 10 secondes un certain Elio de Angelis.
Dès lors, voir Ken Tyrrell s’intéresser à Pironi fin 1977 n’a rien d’étonnant. Le parisien, sponsorisé par Elf (qui est également sponsor de Tyrrell) obtient le 2ème volant de l’écurie anglaise pour 1978, aux côtés de Patrick Depailler. Sa 1ère saison dans le grand bain de la formule 1 est plutôt honorable. Certes Didier est distancé par son expérimenté équipier Patrick Depailler, mais Pironi parvient à inscrire plusieurs fois des points, avec en points d’orgues deux 5ème place à Monaco et Hockenheim. Il termine le championnat 1978 15ème, avec 7 points.
Dans le courant de l’année, Pironi s’est engagé aux 24 heures du Mans aux côtés de Jean-Pierre Jaussaud sur l’une des Alpine-Renault. Les deux hommes vont finalement s’imposer après l’abandon de leurs équipiers Jean-Pierre Jabouille et Patrick Depailler. Ce succès, le premier d’une Alpine-Renault à moteur turbo est tout simplement historique pour le sport auto français, et contribue à renforcer la notoriété de Pironi.
A ce moment, il lorgne du côté de l’équipe Renault F1, qui a décidé d’engager une 2ème voiture à moteur turbo en formule 1. Mais Pironi est retenu par Ken Tyrrell, et c’est finalement son ancien équipier René Arnoux qui entre à la Régie Renault. Contraint de rester une année supplémentaire chez Tyrrell, une équipe où il ne se plaît pas vraiment, Pironi va réaliser une très belle saison, qui le voit monter sur ses premiers podiums à Zolder (GP de Belgique) et à Watkins Glen (GP des Etats-Unis Est). Ajoutez à cela 6 autres points, et Didier termine l’année 1979 à la 10ème place au classement général, à égalité avec son équipier et ancien camarade Jean-Pierre Jarier.
Le natif de Villecresnes veut cependant passer un cap. Et pour cela, il part chez Ligier qui a longtemps bataillé pour le titre mondial en 1979. Aux côtés de Jacques Laffite, Didier Pironi va effectuer une année formidable qui le verra terminer à la 5ème place finale avec 34 points, 2 unités seulement derrière son équipier Laffite. Le jour de gloire de Didier, c’est bien entendu ce 4 mai 1980 lorsqu’il emporte sa 1ère victoire en carrière sur le circuit de Zolder en Belgique. 2 semaines plus tard il signe sa 1ère pôle position, à Monaco. Il résiste aux Williams pendant les deux-tiers de l’épreuve avant de sortir de la route, piégé par la pluie. Malgré une autre pôle signée au GP de France, Didier décide de quitter les Bleus pour rejoindre la Scuderia Ferrari en 1981. Pironi a en effet peu apprécié les coups de sang de son patron Guy Ligier, notamment au soir de ce fameux GP de Grande-Bretagne, qui a vu Pironi sortir de la route alors qu’il occupait la 5ème place, à la suite du bris d’une jante. S’en est suivie une dispute monumentale entre Pironi et son patron, qui acheva de convaincre le pilote parisien de quitter l’équipe Vichyssoise.
Il retrouve chez Ferrari son grand ami Gilles Villeneuve, qui sort d’une année calamiteuse avec la Scuderia. Sur la toute nouvelle monoplace à moteur turbo, Pironi va vivre une saison délicate, tronquée par le manque de fiabilité de sa machine. Il ne pourra faire mieux qu’une 4ème place à Monaco, acquise après être parti depuis la 18ème place. Il termine l’année 13ème avec 9 points, alors que Villeneuve est 7ème avec 25 points et 2 victoires.
L’année 1982 débute aussi mal pour Pironi, avec un seul point marqué en 3 courses. Seule consolation, son équipier et ami Villeneuve n’a toujours pas ouvert son compteur puisque sa 2ème place acquise à Long Beach lui a été retirée en raison de la non-conformité de son aileron arrière.
Pironi se fait remarquer en ce début d'année plutôt pour son rôle de président du GPDA (Grand Prix Drivers Association), puisque c’est lui qui mène (avec Niki Lauda) la grève des pilotes au GP d’Afrique du Sud, pour protester contre le nouveau statut de la licence professionnelle des pilotes de grand prix. Il s’agit d’un des faits d’armes majeurs de la carrière de Pironi, qui lui valut un profond respect de la part de ses adversaires et confrères.
Retour au sport : les Ferrari redorent leur blason à Imola, ou les écuries anglaises ont décidé de boycotter la course. Après l’abandon de leurs seules rivales, les Renault de Prost et Arnoux, les Ferrari de Villeneuve et Pironi continuent leur lutte fratricide, au cours de laquelle ils échangent 7 fois leurs positions ! Dans les dernières boucles, le stand Ferrari, en liaison téléphonique avec le Commendatore Enzo Ferrari, décide de geler les positions : 1 Villeneuve, 2 Pironi.
Mais Pironi transgresse cette consigne en attaquant Villeneuve dans le dernier tour, et en lui ravissant la victoire. C’est le clash entre les deux amis, Villeneuve jurant de ne plus jamais adresser la parole à celui qui l’a trahit.
Malheureusement, cette querelle tourne au drame deux semaines plus tard. Le 8 mai 1982 lors de la dernière séance de qualifications du GP de Belgique, alors qu’il rentre au stand après avoir échoué dans sa tentative de ravir le meilleur temps à Pironi, Gilles Villeneuve s’accroche avec la March de Jochen Mass. La Ferrari s’envole sur la roue arrière gauche de la March, effectue plusieurs tonneaux et éjectant son pilote. L’état de santé de Villeneuve est désespéré, il meurt dans la soirée après avoir été rejoint par sa famille. Didier Pironi est anéanti par ce drame. Mais lui, le beau garçon au visage poupin n’aime pas laisser transparaître ses émotions. Pas de larmes, d’hommages vibrants, juste une profonde tristesse, qu’il garde en son for intérieur. Il n’aimait pas cette situation de guerre, qui avait éclaté à la suite d’un stupide malentendu. Et puis maintenant, il y a les accusations. Certains tifosis vont en effet accuser Pironi d’avoir provoqué _ indirectement _ la mort de Villeneuve en l’ayant trahi à Imola, et en ayant du même coup aiguisé son esprit de revanche. Accusation proprement stupide et imbécile qui toucha beaucoup Pironi.
Forfait à Zolder, Didier reprend le volant de sa Ferrari à Monaco 15 jours plus tard. 5ème sur la grille il occupe la 3ème place au 74ème des 76 tours de course, au moment où une fine pluie s’abat sur Monaco. Le leader, Alain Prost se fait piéger et tape le rail à la chicane laissant Patrese en tête. Patrese qui dans le dernier tour part en tête-à-queue, avant de repartir. Mais pendant ce temps, Pironi et De Cesaris sont passés … Mais pas pour longtemps ! Pironi stoppe sa Ferrari en panne électrique et De Cesaris son Alfa Romeo en panne d’essence ! Patrese récupère finalement son bien en franchissant en vainqueur la ligne d’arrivée. Malgré son abandon, Pironi se classe 2ème et prends alors la 3ème place au classement avec 16 points. De nouveau sur le podium à Detroit (3ème derrière la McLaren de Watson et la Talbot-Ligier de Cheever), Pironi arrive à Montréal au 2ème rang du classement.
Mais cette course tourne de nouveau au drame pour Pironi, le 2ème cette saison. Placé en pôle, Pironi cale le moteur de sa Ferrari au départ. Agitant les bras pour prévenir ses adversaires, il est évité par tous les pilotes sauf le malheureux Riccardo Paletti qui emboutit son Osella à près de 180 km/h dans l’arrière de la Ferrari. Le jeune Italien décède instantanément. Découragé et profondément choqué, Pironi ne termina que 9ème de ce grand prix. Il se reprends courageusement à Zandvoort pour le GP des Pays-Bas qu’il remporta magistralement, s’emparant du même coup de la tête du classement. Une 2ème place au GP de Grande-Bretagne et une 3ème place au GP de France le placent avec 9 points d’avance sur son plus proche poursuivant au classement, John Watson. La France semble alors bien partie pour obtenir son premier titre de champion du monde des pilotes.
Mais à Hockenheim survient le 3ème drame de cette saison 1982. Samedi 7 août, dernière séance d’essais libres du GP d’Allemagne. Il pleut à verse, la piste est détrempée, la visibilité nulle. En piste, Didier Pironi est dans un tour rapide, il vient de dépasser la Williams de Derek Daly, juste avant d’entrer dans le Stadium. Mais Pironi n’a pas vu dans ce brouillard d’eau la Renault de Prost, qui effectue un tour à vitesse modérée. La Ferrari s’envole sur la roue arrière-droite de la Renault, s’élève à 5 mètres de hauteur, et ne reprend contact avec le sol que 250 mètres plus loin, très brutalement. Un accident plus que ressemblant à celui qui a coûté la vie à Villeneuve 3 mois plus tôt. Pironi est vivant, conscient même. Nelson Piquet s’arrête immédiatement pour venir secourir le pilote français qui a les jambes atrocement broyées. Quelques secondes plus tard, les secours arrivent ainsi que le médecin chef de la formule 1, Syd Watkins. Il envisage plus que sérieusement une amputation, et il faudra toute la persuasion de Didier Pironi pour l’en dissuader. Il est héliporté vers l’hôpital d’Heidelberg. Le lendemain, son équipier Patrick Tambay qui a remplacé Gilles Villeneuve, remporte une émouvante victoire, offrant un peu de baume au cœur à la Scuderia Ferrari. Une fois l’état de santé de Pironi stabilisé, il est transféré à Paris dans le service du Dr Letournel, qui a déjà soigné de nombreux pilotes de formule 1 blessés.
Didier Pironi ne remportera pas le titre de champion du monde 1982. Il terminera finalement 2ème avec 39 points (en ayant disputé 11 courses sur 16), seulement dépassé par Keke Rosberg, avec 44 points. Pour beaucoup, Pironi est perdu pour la course. Mais c’est bien mal connaître l’intéressé, qui n’a eu de cesse de répéter qu’il voulait absolument retrouver la formule 1, pour y gagner de nouveau… Après une quarantaine d’interventions chirurgicales et plus de 3 ans d’une rééducation harassante, il reprend le volant d’une formule 1 le 12 août 1986 (presque 4 ans jour pour jour après son accident) sur le circuit du Paul Ricard, au volant d’une AGS. Après ce test « pour le fun », Pironi s’offre 60 tours au volant d’une Ligier-Renault sur le circuit de Dijon-Prenois, réalisant des chronos moins rapides d’une seconde seulement à ceux du pilote titulaire, René Arnoux. McLaren, Brabham et Ferrari ont fait des propositions à Pironi pour développer les futures F1 à moteurs atmosphériques. Guy Ligier pense même à recruter son ancien pilote en remplacement de Jacques Laffite, lui aussi blessé grièvement aux jambes. Mais Pironi veut revenir en F1 pour gagner, et pas pour y faire de la figuration ou des essais. Il décline donc ces offres, et se consacre en attendant à sa nouvelle passion, l’off-shore.
Ces formules 1 de la mer, Pironi les découvre en 1985 à l’instigation de Philippe Streiff. Conquis, Pironi crée en 1986 sa propre écurie d’off-shores, l’équipe Euronautique-Leader. Engagé dans le championnat d’Europe de la spécialité il pilote lui-même un de ses bateaux en championnat d’Europe. Durant cette saison d’apprentissage, Pironi connaît un sérieux accident, au cours duquel il se fracture 4 vertèbres.
Pour 1987, Pironi engage dans le championnat d’Europe le premier bateau construit par son équipe, baptisé le Colibri. Conçu avec des standards dignes de la formule 1, ce bateau mène à la victoire Didier Pironi et ses équipiers Jean-Claude Guénard (ancien membre de l’écurie Ligier) et Bernard Giroux (journaliste spécialisé dans la formule 1) dans le GP de Norvège d’Arendal. Grands favoris au championnat, Pironi, Guénard et Giroux abordent en pleine confiance l’épreuve de Poole, en Angleterre, une semaine plus tard.
Alors qu’il occupe la 2ème place, le Colibri aborde trop vite une vague laissée par le sillage d’un pétrolier. A 160 km/h, le bateau s’envole et se retourne. A cette vitesse, l’eau est semblable à du béton : Didier Pironi, Jean-Claude Guénard et Bernard Giroux sont tués sur le coup.
L’épilogue de la vie de Didier Pironi ressemble à une mauvaise histoire. Fauché alors qu’il retrouvait la gloire, c’est trop injuste. Par son physique et son caractère il rappelait François Cevert. Ils étaient beaux garçons, issus de bonnes familles, pilotes hors pairs, ils avaient fréquenté des stars du cinéma (on prêtait à Cevert une liaison avec Brigitte Bardot, et Didier Pironi vécut une idylle au début des années 1980 avec Véronique Jeannot), et ils furent tous les deux fauchés en pleine gloire, trop tôt, trop vite. Didier Pironi laissait une femme, Catherine, alors enceinte de jumeaux qu’elle appela … Didier et Gilles.
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