dimanche 27 septembre 2009

L'histoire de la formule 1 : 4ème épisode, Mika Häkkinen (1ère partie)

La Finlande ne fait pas partie des nations les plus prolifiques en pilotes de grands prix. Cependant, la majeure partie de ces pilotes menèrent une grande carrière.A l’occasion de son 41ème anniversaire, gros plan aujourd’hui sur l’un d’entre eux, Mika Häkkinen.

Mika nait le 28 septembre 1968 à Vantaa, dans l’agglomération d’Helsinki en Finlande. Très vite, son goût pour la compétition automobile se révèle au grand jour puisqu’à 5 ans il se retrouve au volant d’un karting ! Le jeune Mika est décidemment bien précoce : il remporte sa 1ère course à 7 ans, et son premier championnat à 10 ans ! Tel un météore dans le ciel finlandais, Hakkinen survole ses adversaires partout où il passe : entre 1979 et 1986 il remporte la bagatelle de 6 titres ! En 1987 il accède logiquement à la formule Ford, en disputant le championnat scandinave qu’il remporte haut la main.

La Finlande semble avoir trouvé un successeur à Keke Rosberg, champion du monde F1 1982 et qui a pris sa retraite en 1986. Mais pour cela, Mika Häkkinen doit impérativement se distinguer hors des frontières nordiques. C’est chose faite en 1988 lorsqu’il dispute, et remporte brillament, le championnat européen de formule Opel. Ce coup d’éclat le propulse dans le très relevé championnat anglais de Formule 3. C’est à ce moment que le jeune Häkkinen est pris en mains par ce même Keke Rosberg, qui gère déjà la carrière de son compatriote JJ Lehto, qui débute sa carrière en formule 1 à ce moment-là.

Cette même année Häkkinen termine 7ème du championnat britannique de F3, qu’il remporte de main de maître l’année suivante devant son compatriote Mika Salo. Et ce n’est pas tout ! Mika s’offre une excursion dans le championnat allemand de F3, pour y affronter l’une des étoiles montantes du sport automobile germanique, un certain Michael Schumacher… Mais le futur septuple champion du monde F1 est battu à plates coutures par le blond finlandais, qui remporte l'épreuve d’Hockenheim, avec en bonus la pôle position et le meilleur tour en course.

Les deux hommes se retrouvent quelques semaines plus tard à Macao, une enclave portugaise en Chine qui accueille chaque année le plus prestigieux des grands prix de F3. Häkkinen y remporte la 1ère course, mais lors de la 2ème est bloqué derrière le leader, Michael Schumacher. C’est pourtant le finlandais, au classement cumulé, qui occupe la tête du meeting. Il pourrait se contenter d’une deuxième place dans cette deuxième course … mais non.

A l’abord du dernier tour, Häkkinen se blottit dans l’aspiration de la monoplace de Schumacher. Le finlandais déboîte, se porte à la hauteur de l'allemand qui se rabat sur son rival ! Häkkinen part en tête-à-queue, et vient frapper violemment les rails du circuit urbain de Macao. Schumacher parvient à boucler ce dernier tour sans aileron arrière, et remporte le grand prix de Macao de F3. Inutile de dire qu’Häkkinen, même s’il n’en laisse rien transparaître, est furieux. Et dans son for intérieur, il espère pouvoir se venger, un jour ou l’autre …

Malgré cette déception de fin de saison, le talent d’Häkkinen n’est pas passé inaperçu : ainsi, l’écurie Lotus le recrute pour la saison 1991 de formule 1. Alors bien entendu, l’équipe britannique n’est plus ce qu’elle était, et elle se bat aujourd’hui plutôt pour la qualification que pour la victoire. Pour son premier grand prix à Phoenix, Häkkinen signe un excellent 13ème chrono en qualifications. En course, il se fait un grosse peur lorsque son volant se bloque dans la ligne droite des stands !

Pour son 3ème grand prix, disputé sur un piste d’abord humide puis s’asséchant, le protégé de Keke Rosberg termine 5ème, inscrivant ses deux premiers points au championnat du monde ! La suite de la saison est malheureusement moins bonne : handicapé par son V8 Judd, le moteur le moins puissant du plateau, Häkkinen n’inscrira plus aucun point.

Cela ne l’empêche pas de rempiler chez Lotus l’année suivante. Une équipe où il se sent bien, l’ambiance y est conviviale, surtout avec son équipier Johnny Herbert. L’équipe britannique a troqué ses V8 Judd pour des traditionnels Ford-Cosworth, un peu plus puissants. Le début d’année, sur la monoplace de 1991 faiblement modifiée, est difficile. Hakkinen parvient pourtant à marquer le point de la 6ème place à Mexico après un départ explosif qui l’a vu passer de la 18ème à la 9ème place ! La nouvelle voiture, la Lotus 107, arrive à Monaco. Les résultats s’en ressentent très vite : Häkkinen se qualifie désormais en milieu de grille, et à Magny-Cours il signe une étonnante 4ème place, arrachée de haute lutte dans l’avant-dernier tour à la Ligier-Renault d’Erik Comas. Une semaine plus tard il termine 6ème du GP de Grande-Bretagne. Il est également 4ème du GP de Hongrie, 6ème du GP de Belgique, et 5ème du GP du Portugal. Mais son principal fait d’arme reste le GP du Japon à Suzuka. Alors qu’il occupe la 4ème place, Nigel Mansell alors 2ème renonce à 9 tours du but. Häkkinen semble alors pouvoir monter sur le podium,(le 1er pour Lotus depuis le GP d’Australie 1988). Las ! Une casse moteur le contraint à l’abandon. Le bilan de cette saison est néanmoins flatteur pour Häkkinen : avec 11 points, il est 8ème du championnat pilotes, alors que son équipier Herbert termine 14ème avec 2 points.

Blond, visage poupin, espiègle et surtout très charmeur, Häkkinen fait l’unanimité autour de lui. Et il est bien entendu très convoité… C’est Ron Dennis qui l’engage, en lui proposant le poste de pilote d’essais chez McLaren, qui a déjà donné sa parole à Michael Andretti pour l’obtention du 2ème volant aux côtés d’Ayrton Senna. Qu’à cela ne tienne, Mika va pendant ce temps disputer la coupe Porsche, en lever de rideau des grands prix (il remporte 2 victoires). Puis il est appelé en fin d’année pour succéder à Andretti, dont les performances plus que médiocres le renvoyèrent aux Etats-Unis.

Häkkinen va donc débuter sa saison 1993 sur une McLaren-Ford à Estoril, un des circuits les plus exigeants du calendrier, et avec à ses côtés un certain Ayrton Senna … Pas intimidé pour un sou, Häkkinen signe le 3ème temps des qualifs, juste devant son équipier Ayrton Senna ! Le brésilien qui va d’ailleurs rester de longues minutes devant les relevés télémétriques, à chercher comment le finlandais a-t-il pu le battre ! En course, le finlandais pêche par manque d’expérience et s’offre une violente sortie de piste. 15 jours plus tard il est de nouveau 3ème des essais du GP du Japon (derrière Senna cette fois-ci), et rallie l’arrivée à cette même 3ème place. Sur son premier podium en formule 1, il retrouve le vainqueur Ayrton Senna, et le 2ème Alain Prost, 7 titres et plus de 90 victoires à eux deux !).

Ayrton Senna parti chez Williams, Mika Häkkinen est bien entendu confirmé chez McLaren pour 1994, et se voit astreindre le britannique Martin Brundle pour équipier. Mais les McLaren ont troqué leur V8 Ford-Cosworth pour le tout nouveau V10 Peugeot. Un moteur certes puissant, mais souffrant de nombreux défauts de jeunesse. Après 2 abandons à Interlagos et Aïda, Häkkinen renoue avec le podium lors du sinistre GP de Saint-Marin qu’il termine à la 3ème place. Auteur d’une remarquable 2ème position sur la grille à Monaco, il est éliminé d’entrée après un accrochage avec Damon Hill. Suivent ensuite 3 abandons consécutifs sur casse moteur, alors qu’il occupait des places dans les points.

Le finlandais est de retour sur le podium à Silverstone, après le déclassement de Michael Schumacher. 3 semaines plus tard, il est à l’origine d’un carambolage monstrueux au départ du GP d’Allemagne (10 voitures éliminées !), qui lui vaut une suspension d’un grand prix. Et il faut croire que ce repos forcé est bénéfique au finlandais qui signe ensuite 4 podiums consécutifs, avec en point d’orgue une 2ème place au GP de Belgique. Il termine la saison par 2 fausses notes, une 7ème place à Suzuka et enfin une violente sortie de route à Adélaïde. Pas de quoi cependant assombrir le tableau d’une saison globalement bonne (les casses mécaniques lui ont tout de même coûté de nombreux points) : il est 4ème du championnat pilotes, avec 26 points et 6 podiums, tout en dominant assez largement son équipier Martin Brundle.

Mika reste chez McLaren, où l’on change pour la 3ème fois en 3 ans de moteurs ! Le V10 Peugeot est remplacé par le V10 Mercredes. C’est le début d’une collaboration qui dure encore aujourd’hui … Häkkinen est rejoint par un monument du sport automobile : Nigel Mansell, qui a 41 ans rempile pour une 16ème saison !HeH Enfin, pas tout à fait : le britannique est en effet trop gros pour sa McLaren-Mercedes ! Pour les deux premières courses de l’année, c’est le pilote-essayeur Mark Blundell qui épaule Häkkinen. Il débute sa saison par une 4ème place à Interlagos, avant d’abandonner au départ du GP d’Argentine. Lors du retour du F1 circus en Europe à Imola, Mansell est de retour chez McLaren. Il est un temps 4ème avant de rétrograder au 10ème rang après un accrochage avec Eddie Irvine. Quant à Hakkinen, il rallie l’arrivée en 5ème position.

Il ne le sait pas encore, mais c’est le début d’une disette qui va durer plus de 4 mois ! Pas un seul point de marqué pendant ce laps de temps, et cela malgré des débuts de course souvent intéressants. Häkkinen fait son retour dans les points à Monza, où il termine 2ème après une course par élimination. Un mois plus tard, il réédite cet exploit sur le circuit japonais de Suzuka. C’est donc avec la confiance retrouvée que Mika débarque à Adélaïde pour le dernier grand prix de l’année.

Mais dès le vendredi, c’est le drame. Durant la 1ère séance d’essais qualificatifs, le pneu arrière droit de la McLaren-Mercedes crève, alors qu’Häkkinen aborde la courbe la plus rapide du circuit (un droite négocié à environ 220 km/h). Au moment ou Häkkinen braque pour inscrire sa McLaren dans la courbe, la monoplace est déséquilibrée, part en tête-à-queue et s’envole sur le vibreur. Elle retombe plusieurs mètres plus loin, et vient taper le mur en béton faiblement protégé par une seule rangée de vieux pneus.

Sous la violence du choc, le casque d’Häkkinen a cassé le volant en deux. Le finlandais est dans un état critique : il ne respire plus. Heureusement, dans le poste de commissaires voisin se trouvent un anesthésiste et un chirurgien. Ils accourent sur les lieux du drame, et tentent d’intuber le pilote finlandais. Impossible : sa mâchoire est bloquée. Les deux médecins décident alors de procéder à une trachéotomie de fortune, à même la piste, en lui incisant la gorge. Ils viennent de lui sauver la vie. Häkkinen respire de nouveau, et il est transporté à l’hôpital d’Adélaïde où il est placé en coma artificiel. 24 heures plus tard, Mika se réveille et se rend compte qu’il est dans un hôpital. En voyant l’un des docteurs, il promène deux doigts sur sa poitrine : pourra-t-il remarcher ? Le docteur Lewis lui répond dans un grand sourire, avec le pouce en l’air. Mika se rendort, rassuré : il sait désormais qu’il peut remarcher, et à fortiori piloter de nouveau.

Si cet accident ne laissa aucune séquelle physique à Mika Häkkinen, il le laissa en revanche profondément changé. Autrefois espiègle, un peu « chien fou » le finlandais devient plus calme, réfléchi et introverti.

Or on se souvient notamment de Karl Wendlinger, qui après un terrible accident début 1994, était revenu en formule 1 l’année suivante, mais a du par la suite jeter l’éponge : s’il pouvait reconduire, c’était à plusieurs secondes des meilleurs …

Début 1996 se pose alors la même question pour Häkkinen : pourra-t-il retrouver son meilleur niveau en formule 1 ?


(à suivre ...)

dimanche 20 septembre 2009

Les grands prix de légende / 1er épisode : GP du Portugal 1987

Salut à tous ! Me voilà de retour après une longue absence, marquée notamment par des passages à la télé et à la radio. Si seulement ça pouvait me faire encore plus connaître dans le milieu …

Bref ! Aujourd’hui, je vais débuter une nouvelle série, celle des courses de légende. Et pour commencer, je vais vous parler du GP du Portugal 1987, disputé le 20 septembre 1987, il y’a donc 22 ans jour pour jour.


En cette année 1987, la formule 1 débute une des plus importantes mutations de son histoire : l’époque des moteurs turbos touche à sa fin, et la FISA (Fédération Internationale du Sport Automobile) a annoncé le retrait de ce type de motorisation à la fin de l’année 1988. Dès lors, quelques équipes ont d’ores et déjà abandonné le turbo pour s’équiper de nouveau en moteurs atmosphériques, le Ford-Cosworth DFZ en l’occurrence qui équipe Tyrrell, AGS, March, et Lola Larrousse. D’ailleurs deux trophées spécifiques ont été crées spécialement pour ces monoplaces à motorisation atmosphérique : le trophée Jim Clark qui récompense le meilleur pilote équipé par un moteur atmosphérique, et le trophée Colin Chapman qui récompense la meilleure écurie utilisant ce type de moteurs. Ces trophées sont alors dominés par Jonathan Palmer et l’équipe Tyrrell.

Cependant, toutes ces petites équipes sont encore largement dominées par les moteurs turbos qui équipent la majorité des écuries de formule 1. De ce fait, les Williams-Honda sont les grandes dominatrices de cette saison 1987 puisqu’au terme de la 11ème épreuve du championnat, le GP d’Italie, c’est Nelson Piquet (Williams-Honda) qui occupe la tête du championnat du monde des pilotes avec 63 points, 14 unités devant Ayrton Senna (Lotus-Honda), et 20 devant son équipier Nigel Mansell. Le tenant du titre Alain Prost n’occupe que la 4ème place de ce classement avec 31 points. Autant dire qu’en arrivant à Estoril, théâtre de la 12ème des 16 épreuves de ce championnat 1987, le natif de Saint-Chamond n’a quasiment plus aucune chance de glaner un 3ème titre consécutif. La faute au moteur TAG-Porsche, dépassé techniquement par son homologue japonais Honda, qui équipe Williams et Lotus. Cependant, ses deux victoires en début d’année à Rio et Spa-Francorchamps ont permis à Prost d’égaler le record du nombre de victoires en grands prix, détenu par Jackie Stewart avec 27 succès. Mais depuis, Alain n’a jamais pu remonter sur la plus haute marche du podium, et s’emparer seul de ce prestigieux record.

Estoril accueille donc la 12ème épreuve du championnat 1987, le GP du Portugal. Un grand prix capital, notamment pour Mansell qui doit absolument réagir pour combler l’écart qui le sépare de son équipier Nelson Piquet. Mais ce grand prix débute déjà par une surprise, avec l’étonnante pôle position de Gerhard Berger sur Ferrari, la 1ère pour la marque Italienne depuis le GP du Brésil 1985 ! Le jeune autrichien devant sur la grille Nigel Mansell, Alain Prost qui signe un excellent 3ème chrono devant Nelson Piquet et Ayrton Senna. Voici l’intégralité de la grille de départ :

1) Gerhard Berger (AUT) Ferrari V6 Turbo (1’17’’620)
2) Nigel Mansell (GB) Williams-Honda V6 Turbo (1’17’’951)
3) Alain Prost (FRA) McLaren-TAG Porsche V6 Turbo (1’17”994)
4) Nelson Piquet (BRA) Williams-Honda V6 Turbo (1’18”164)
5) Ayrton Senna (BRA) Lotus-Honda V6 Turbo (1’18’’354)
6) Michele Alboreto (ITA) Ferrari V6 Turbo (1’18’’540)
7) Riccardo Patrese (ITA) Brabham-BMW L4 Turbo (1’19’’965)
8) Stefan Johansson (SWE) McLaren-TAG Porsche V6 Turbo (1’20”134)
9) Thierry Boutsen (BEL) Benetton-Ford V6 Turbo (1’20”305)
10) Teo Fabi (ITA) Benetton-Ford V6 Turbo (1’20’’483)
11) Eddie Cheever (USA) Arrows-Megatron L4 Turbo (1’21”207)
12) Derek Warwick (GB) Arrows-Megatron L4 Turbo (1’21’’397)
13) Andrea De Cesaris (ITA) Brabham-BMW L4 Turbo (1’21”725)
14) Alessandro Nannini (ITA) Minardi-Motori Morderni V6 Turbo (1’21’’784)
15) Satoru Nakajima (JAP) Lotus-Honda V6 Turbo (1’22’’222)
16) Christian Danner (GER) Zakspeed L4 Turbo (1’22”358)
17) Martin Brundle (GB) Zakspeed L4 Turbo (1’22’’400)
18) René Arnoux (FRA) Ligier-Megatron L4 Turbo (1’23’’237)
19) Philippe Alliot (FRA) Lola Larrousse-Ford Cosworth V8 Atmo (1’23’’580)
20) Adrian Campos (SPA) Minardi-Motori Moderni V6 Turbo (1’23’’591)
21) Philippe Streiff (FRA) Tyrrell-Ford Cosworth V8 Atmo (1’23’’810)
22) Ivan Capelli (ITA) March-Ford Cosworth V8 Atmo (1’23’’905)
23) Piercarlo Ghinzani (ITA) Ligier-Megatron L4 Turbo (1’24’’105)
24) Jonathan Palmer (GB) Tyrrell-Ford Cosworth V8 Atmo (1’24”217)
25) Alex Caffi (ITA) Osella-Alfa Romeo V8 Turbo (1’24’’792)
26) Franco Forini (ITA) Osella-Alfa Romeo V8 Turbo (1’26’’635)
Non qualifié) Pascal Fabre (FRA) AGS-Ford Cosworth V8 Atmo (1’26’’946)


Le 1er départ de la course est d’abord avorté sur à un carambolage survenu au 1er virage, et qui a contraint les officiels à déployer le drapeau rouge. Tous les pilotes peuvent repartir à l’exception de l’allemand Christian Danner sur Zakspeed.

Au 2nd départ c’est Mansell qui prend la tête des opérations devant Berger, Senna, Piquet et Prost. Mais Mansell ne gardera son avantage qu’un tour, puisqu’au 2ème passage devant les stands, Berger reprend la tête de la course. Au tour suivant c’est son équipier Michele Alboreto qui passe l’attaque et prends à Prost la 5ème place. Les positions ne changent pas jusqu’au 10ème tour : Berger compte 4 secondes d’avance sur Mansell, 9 sur Senna et Piquet, 11 sur Alboreto et Prost. 3 tours plus tard, Senna doit observer un long arrêt aux stands de 2 tours pour y résoudre des problèmes mécaniques, alors qu’au même moment Mansell renonce, en panne d'électricité ! Le classement est donc chamboulé : Berger mène toujours, avec 10 secondes d’avance sur le nouveau 2nd, Nelson Piquet. Alboreto est 3ème à 14 secondes juste devant Alain Prost tandis que les Benetton-Ford de Boutsen et Fabi occupent les 5ème et 6ème rangs à respectivement 17 et 24 secondes du leader.

Au 22ème des 70 tours de course, c’est au tour de Boutsen de connaître des ennuis : il doit stopper 8 minutes au stand Benetton pour y changer ses bougies, ainsi que le boitier électronique. Au 30ème tour Piquet rentre lui aussi aux stands, mais pour un simple changement de pneus. Il repart 5ème derrière Fabi. 2 tours plus tard Prost stoppe lui aussi, et repart devant Nelson Piquet. 34ème tour, c’est Berger qui change ses roues, laissant le leadership à son équipier Alboreto qui l’imite deux tours plus tard. Fabi est le dernier des hommes de tête à effectuer cette opération au 38ème tour, au même moment Alboreto abandonne sa Ferrari, boîte de vitesses cassée.

Au 40ème tour, Berger occupe toujours la tête du grand prix 16 secondes devant Prost, talonné par Nelson Piquet. Fabi est 4ème à 19 secondes, loin devant De Cesaris 5ème à 1’04 et Johansson 6ème sur ses talons. Il reste 30 tours à couvrir.

C’est le moment où Alain Prost décide de montrer toute l’étendue de son talent, en remontant méthodiquement sur Berger. Les remontées de Prost n’ont rien à voir avec celles de Senna ou Mansell, marquées par un pilotage spectaculaire. Non, les remontées « à la Prost » sont des remontées qui se font petit à petit, sans jamais maltraiter la mécanique. 5 petits dixièmes par ci, 2 autres par là, rien à voir avec les écarts qui dépassent parfois la seconde chez Mansell ou Senna.

Ainsi, au 50ème tour, Prost compte toujours 12 secondes de retard sur Berger. Piquet est toujours 3ème mais il a lâché prise. Fabi, Johansson et De Cesaris complètent le top 6.
La fin de course approchant, Prost continue d’enfoncer le clou et remonte de plus en plus vite sur Berger : à 10 tours du but, Prost n’est plus qu’à 3 secondes de la Ferrari de l’Autrichien. L’issue paraît inexorable, et tout le monde s’attend à voir Berger abdiquer. Et pourtant non, l’écart se stabilise autour des 3 secondes. Berger semble avoir la course en mains, Prost ne semble pas en mesure d’inquiéter la Ferrari. Erreur ! Prost est en train d’appliquer une tactique d’une intelligence rare : revenu à 3 secondes de Berger, Prost a laissé ensuite se stabiliser l’écart pour « endormir » Berger. Et puis, Prost repasse à l’attaque. Il signe son meilleur tour en course au 65ème tour, et revient à 2 secondes de Berger. L’autrichien réplique, et au 66ème tour il prend à Prost le meilleur tour. On sent les deux pilotes sur le fil du rasoir, le chaos est proche : il frappe Berger. Dans le 68ème tour, l’autrichien, mis sous pression, part en tête-à-queue. Prost passe en tête, à 2 tours de l’arrivée, il ne la quittera plus.

Alain Prost franchit la ligne d’arrivée en vainqueur : l’explosion de joie d’Alain, et de l’équipe McLaren est à la hauteur de l’exploit réalisé. Prost remporte sa 28ème victoire en carrière, devenant du même coup le recordman du nombre de victoires en grand prix. Il devient, définitivement, le plus grand pilote de son époque.

Classement final du GP du Portugal :
1) Alain Prost (FRA) McLaren-TAG Porsche V6 Turbo (1h37'03"906)
2) Gerhard Berger (AUT) Ferrari V6 Turbo (à 20"493)
3) Nelson Piquet (BRA) Williams-Honda V6 Turbo (à 1'03"295)
4) Teo Fabi (ITA) Benetton-Ford V6 Turbo (à 1 tour, panne d'essence)
5) Stefan Johansson (SWE) McLaren-TAG Porsche V6 Turbo (à 1 tour)
6) Eddie Cheever (USA) Arrows-Megatron L4 Turbo (à 2 tours)
7) Ayrton Senna (BRA) Lotus-Honda V6 Turbo (à 2 tours)
8) Satoru Nakajima (JAP) Lotus-Honda V6 Turbo (à 2 tours)
9) Ivan Capelli (ITA) March-Ford Cosworth V8 Atmo (à 3 tours)
10) Jonathan Palmer (GB) Tyrrell-Ford Cosworth V8 Atmo (à 3 tours)
11) Alessandro Nannini (ITA) Minardi-Motori Moderni V6 Turbo (à 4 tours, panne d'essence)
12) Philippe Streiff (FRA) Tyrrell-Ford Cosworth V8 Atmo (à 4 tours)
13) Derek Warwick (GB) Arrows-Megatron L4 Turbo (à 4 tours)
14) Thierry Boutsen (BEL) Benetton-Ford V6 Turbo (à 6 tours)
AB) Andrea De Cesaris (ITA) Brabham-BMW L4 Turbo (54ème tour, alimentation)
AB) Michele Alboreto (ITA) Ferrari V6 Turbo (38ème tour, boîte de vitesses)
AB) Martin Brundle (GB) Zakspeed L4 Turbo (35ème tour, boîte de vitesses)
AB) Franco Forini (ITA) Osella-Alfa Romeo V8 Turbo (32ème tour, roulement de roue)
AB) Philippe Alliot (FRA) Lola Larrousse-Ford Cosworth V8 Atmo (31ème tour, pompe à essence)
AB) René Arnoux (FRA) Ligier-Megatron L4 Turbo (29ème tour, radiateur)
AB) Alex Caffi (ITA) Osella-Alfa Romeo V8 Turbo (27ème tour, turbo)
AB) Piercarlo Ghinzani (ITA) Ligier-Mégatron L4 Turbo (24ème tour, embrayage)
AB) Adrian Campos (SPA) Minardi-Motori Moderni V6 Turbo (24ème tour, radiateur)
AB) Nigel Mansell (GB) Williams-Honda V6 Turbo (13ème tour, électricité)
AB) Riccardo Patrese (ITA) Brabham-BMW L4 Turbo (13ème tour, moteur)
AB) Christian Danner (GER) Zakspeed L4 Turbo (0 tours, accident)

La bonne opération du jour est cependant à mettre au crédit de Nelson Piquet, qui compte désormais 18 points d'avance sur son dauphin, Ayrton Senna. Le pilote de la Williams-Honda est le grand favori du championnat 1987, qu'il remportera d'ailleurs quelques semaines plus tard.
Alain Prost ne terminera que 4ème du championnat cette saison, et malgré cela, l'année 1987 fut pour lui un grand cru grâce à l'obtention de ce record du nombre de victoires en grands prix. Finalement, Prost achèvera sa carrière avec 51 victoires. Il détiendra ce formidable record jusqu'au GP de Belgique 2001, au terme duquel Michael Schumacher remportera sa 52ème victoire en grand prix.